(m) FELTON - somewhere only we know.

« Toutes mes félicitations à la future maman. » Sursautant presque de surprise, Chuck tourna la tête, et aperçut ce visage qu'elle tentait d'éviter depuis bientôt neuf mois. Celui de John, son voisin, et prétendu meilleur ennemi. John était un O'Donnell, de ceux qu'un Pettigrew ne fréquenterait jamais d'ordinaire. Pourquoi ? Personne ne le sait réellement. Une querelle qui remonte à plusieurs générations, pour une histoire de petite-amie volée, de sentiments piétinés, de rêves envolés. Quoi qu'il en soit, une amitié entre les deux derniers des deux familles était tout à fait impensable. Et pourtant, ils l'avaient entretenue cette amitié, depuis leur premier jour à l'école. Robin a envoyé tout le contenu de son tube de colle à la figure de Chuck, qui lui avait littéralement sauté dessus, le faisant tomber de sa chaise. C'était même lui qui l'avait appelée "Chuck" pour la première fois, surnom qui la suit depuis tout ce temps. Leurs parents, les voyant se disputer comme chiens et chats à l'école, n'en étaient que plus fiers : cela signifiait que cette haine présente depuis tant d'années ne s'était pas perdue. Et pourtant, ils commettaient là une belle erreur, puisque leurs progénitures ne faisaient que se rapprocher. À l'âge de treize ans, ils se sont déclaré leur amour, comme ça, comme une évidence. En promettant de ne rien dire à leurs parents, de peur qu'ils ne les tuent, ou pire, les séparent. Se retrouvant donc en cachette trois soirs par semaine, se cachant derrière les toilettes du lycée pour s'embrasser, n'osant pas se tenir la main devant les autres, ce serait mentir de dire que leur relation était parfaite. Mais avec tous ses inconvénients, elle leur plaisait, du moins, jusqu'à un certain temps. Arriva le temps des études, le temps de l'université, et avec la danse, Chuck n'eut plus réellement de temps à consacrer à John. Lui, rêvant de devenir footballer comme son oncle, s'entrainait également beaucoup. Ils ne se voyaient que brièvement, d'autant plus que malgré la majorité atteinte, ils n'osaient encore rien dire à leurs parents. En amour, on est souvent cernés de doutes, plus grands les uns que les autres. Ce pourquoi il ne suffisait que de trouver la petite lumière qui vous permettait de continuer d'avancer. Mais tout ne se passe pas comme dans les contes de fées, au contraire. « Merci, c'est ... c'est très gentil de ta part John. » Le père de Chuck avait bien remarqué la présence du jeune homme à la fête organisée pour la naissance imminente du bébé, mais il se retint, pour ne pas faire de scandales et donc déplaire à sa fille. Mais le blondinet se doutait bien que sa venue n'était pas désirée. « Pourquoi Chuck ? Pourquoi est-ce que tu nous fais ça ? » Il avait glissé cette réplique comme un murmure, souhaitant qu'une seule paire d'oreilles ne l'entende. Celle de la femme de sa vie, ou du moins, de celle qu'il croyait l'être. À peine eut-il terminer sa phrase qu'un grand brun arriva, et prit Chuck par la taille, la serrant contre lui, déposant un baiser sur le sommet de son crâne. Le visage assombri, John comprit tout de suite ; il n'avait pas besoin d'un schéma. Charlotte était heureuse ainsi, enceinte d'un autre homme que lui, et en couple avec ce dernier. À quoi bon lutter ? Il s'en alla donc, après lui avoir souhaité bonne chance pour la suite. Des larmes silencieuses lui coulant le long des joues, la jeune femme entendit l'homme qui se tenait à ses côtés briser le silence qui s'était installé. « Tu es certaine de toi Chuck ? Tu es sûre de vouloir le laisser partir ? » S'essuyant les yeux en y passant l'une de ses mains, la jeune femme acquiesça de la tête, et se blottit dans les bras de son meilleur ami. Ce dernier l'aimait tellement qu'il était prêt à se faire passer pour le père de l'enfant qu'elle attendait, mais également pour son nouveau fiancé, tout en sachant qu'elle n'avait d'yeux que pour le blondinet d'en face. Donner de l'amitié à quelqu'un qui veut de l'amour, c'est comme donner du pain à celui qui meurt de soif.