J'ai quelque chose à te dire [PV Ireland]

Sony se promenait dans les rues de la ville, les mains plongées dans les poches de son bermuda couleur turquoise. Au bout de ses pieds nus, d'élégantes ballerines jaune pâle pour homme, nouvelle tendance de l'été 2011. De plus, un débardeur de la même couleur que ces dernières complétait sa tenue vestimentaire, estivale et branchée. Lunettes de soleil posées sur son nez fin et droit, il avançait au rythme de la ville, ni trop rapidement, ni trop lentement. Une journée tranquille. Une journée ensoleillée, une journée où l'air libre était privilégié. Il s'était levé relativement tôt, et lorsque les douze coups de midi avaient sonné, il s'était empressé d'envoyer un texto à Ireland, pour lui demander de venir le rejoindre au « The Buckingham », un pub qui tirait ses origines du pays de sa naissance. Il s'était enfin décidé à lui avouer ce qui lui tordait l'estomac. Il s'était décidé à tout lui dire, au risque peut-être de la perdre. Mais il avait confiance en elle, c'était en lui qu'il ne croyait plus.

Quand il fut arrivé audit bar, le jeune homme prit place sur la terrasse, dans l'optique de s'en griller une. Il savait aussi que sa sœur n'allait pas se priver de faire de même. Il détestait la voir bousiller sa santé, mais après tout, elle était grande, et qui était-il pour lui interdire quelque chose qu'il faisait ? Simple. Il était son grand frère. Sony agita la tête de droite à gauche, s'installant sur sa chaise avant de porter une cigarette à sa bouche, cigarette qu'il alluma avec dextérité avec son zippo couleur argent. Un charmant serveur vint alors lui demander ce qu'il désirait. Il se commanda une limonade et ce qu'Ireland préférait par dessus tout. Sony tira quelques lattes avant de soupirer. Cette journée était magnifique, et il espérait que l'orage n'allait pas gronder. Perdre sa sœur n'était pas imaginable. Elle était tellement tout pour lui. Son rayon de soleil. Sa raison de vivre.

Sony termina rapidement sa clope, jetant le mégot dans le cendrier posé sur la table, alors que le serveur revenait avec ses commandes. « Merci bien ! » « Ce fut un plaisir. » Le garçon de bar lui adressa un petit sourire charmeur, auquel Sony ne répondit pas. Il ne fallait pas se faire griller aussi vite tout de même. Le garçon posa un regard sur sa montre. Quinze heures, déjà.

… commandement numéro trois, tes affaires tu rangeras… commandement numéro quatre la vaisselle chaque soir tu… feras, Ireland c’est quoi ça ? Notre nouveau règlement, j’en ai marre de glisser sur tes chaussettes à chaque fois que je mets un pied dans le salon… et rajoute aussi que tu dois nettoyer l’appart il commence à être vraiment dégueu. Tu veux qu’on parle de tes fringues qui trainent partout ? Et je peux savoir ce que tu fais toi là-dedans. Les courses mon chou ! Et la cuisine au micro-onde, c’est marqué là. Je désignais avec mon doigt le dernier commandement de la feuille avec un joli sourire à mon cher Jullian. J’en étais certaine qu’il n’allait jamais accepter, mais on ne pouvait pas continuer comme ça. Dis moi que c’est une blague. J’ouvris la bouche pour répondre mais mon téléphone vibra. Je fis un signe à Ju’ qui signifiait « attends deux secondes ». Je pris mon portable pour regarder le message que je venais de recevoir : Sony. Il me demandait de venir vers quinze heures au Buckingham. Le lieu ne m’étonnait franchement pas, j’adorais aller là-bas ça me rappelait mes origines. Londres me manquait c’était sûr, ma mère me manquait et quand je l’avais au téléphone à part me raconter ses misères, en ce moment c’est tout ce qu’elle savait faire. Mais ce bar rappelait très bien l’esprit de la ville : Festive, belle, envieuse tout simplement. Myrtle Beach n’était rien à côté. Oh c’était une chouette ville si je ne m’étais pas plus j’aurais fait rapidement demi tour. Mais voilà, Londres restait Londres et ça serait toujours Londres dans mon cœur. Quinze heures… ça allait être terriblement long d’attendre, comme à chaque fois que je devais voir mon frère d’ailleurs. L’excitation prenait toujours le dessus. Et oui, j’adorais le voir, le voir sourire, voir ses beaux yeux, seule chose qu’on n’avait en commun lui et moi d’ailleurs. De beaux yeux bleus, quelle chance. Il parait que ça vient de notre père, personne que je n’ai jamais connu puisqu’il pourri en prison. Enfin bref, tout chez mon frère était génial et c’est pour ça qu’à chaque fois qu’on devait se voir, je devenais insupportable jusqu’à ce que je l’aie en face de moi. Je lui répondis rapidement avant de regarder Jullian. Reprenons.


Qui avait inventé l’horloge ? La chose la plus débile au monde. La notre ne marchait plus depuis déjà deux semaines, à chaque fois je pensais à acheter des piles mais une fois au supermarché j’oubliais. Résultat ? Une demie heure de retard, j’allais avoir une demie heure de retard, qu’est-ce que ça pouvait être pénible ça. J’étais rapidement de l’appartement, enfilant un jean tout simple, un débardeur noir avec un gilet noir sur le dessus. En chemin je tournais mon collier de perle entre mes mains, ce que je faisais à chaque fois que j’étais agacée. Un cadeau de ma mère qu’elle m’avait offert le jour de mes treize ans. Heureusement pour mon collier que je vis Sony au loin sinon je le pétais. Je ne pris même pas la peine de dire un seul mot que je m’assis très lourdement sur la chaise posant mon sac sur la table. Rappelle moi d'acheter une montre. Et oui, je ne portais pas de montre, allez savoir pourquoi, c’était sans doute encombrant sur mon petit poignet. Enfin bref, je me redressais sur la chaise, remarquant seulement après que mon adorable frère avait prit soin de commander ma boisson préférée : Diabolo menthe, la seule boisson non alcoolisée que j’arrivais à boire d’une traite. Je relevais les yeux vers lui, et affichais un grand sourire. Oh So’, merci c’est super gentil… alors dis moi, que me vaut cette invitation ? Mon frère avait toujours eu le don pour être au petit soin avec moi et je lui en étais très reconnaissante. Aujourd’hui je donnerais ma vie pour qu’il soit fier de moi, mais au fond je savais qu’il l’était déjà.

Aussi parfaite que pouvait l'être sa sœur, il y avait quelque chose qu'elle ne saurait probablement jamais faire : à savoir le fait d'être à l'heure. Cela faisait maintenant une trentaine de minutes que Sony attendait, fumant clope après clope, buvant verre après verre. Au final, ce n'était pas moins de 15 mégots et 3 verres qui patientaient paresseusement sur la table. Sony fumait beaucoup trop. Il le savait, il savait qu'il se devait d'arrêter, que c'était mal pour la santé, et toutes ces conneries, mais au fond cela le rassurait. Avoir quelque chose dans la main calmait ses angoisses. Plus le temps passait et plus le jeune homme commençait à vouloir faire marche arrière. Après tout, pourquoi raconter ses histoires débiles à Ireland, hein ? Pourquoi lui dire quelque chose dont elle ne pouvait pas changer l'existence ? Parce qu'il avait besoin de se confier, voilà tout.

Et puis un rayon de soleil éclaira le semblant d'orage qui trônait dans sa tête. Ce parfum, ces cheveux, cette attitude dégagée : Ireland. Elle était enfin arrivée, et Sony ne pu afficher qu'un immense sourire. Qu'importe l'heure, qu'importe ce qui lui taraudait l'esprit, elle était là et c'était le principal. Sans se départir de son sourire éclatant, Sony détacha négligemment la montre en acier qu'il portait à son poignet droit -il ne savait même pas à quelle main mettre une montre- afin de la poser sur la table. « Tiens, garde là pour l'instant, j'en ai plein d'autre, et puis de toute façon l'acier c'est naze avec les couleurs que je porte en ce moment. » Il sirota rapidement le reste de son verre, sortant une clope de son paquet, puis soupira. Il savait que ce n'était pas bien, mais tant pis. Le paquet de cigarettes fut tendu à Ireland, alors qu'une flamme se libéra du zippo de Sony, allumant le tube qu'il tenait en équilibre entre ses lèvres.

« Alors, quoi de neuf ? Tout va bien avec l'autre zigoto ? » L'autre zigoto alias le meilleur ami d'Ireland, meilleur ami que Sony ne pouvait pas voir en pâture. Jalousie excessive ou pas, il ne l'encadrait pas et il ne voyait pas pourquoi il se devait de faire un effort envers lui. Quand sa petite sœur le remercia pour le verre, Sony haussa des épaules. « De rien, j'ai pensé à t'offrir un verre d'eau mais je me suis dis que tu n'allais peut-être pas beaucoup apprécier. » Il ricana avant de plonger ses yeux couleurs océans dans ceux, presque identiques, de celle qui partageait son sang. Il ne savait même pas comment tourner sa phrase. « Et bien en fait, pour ne rien te cacher, je dois t'avouer quelque chose. » Il baissa la tête. « Et le pire c'est que je sais même pas comment. »

Sony soupira, tirant quelques lattes sur sa cigarette. La fumée le calmait, mais ne l'aidait pas franchement à raconter ce qu'il avait sur le cœur. « En fait, j'ai besoin de savoir si quoique je te raconte aujourd'hui, tu seras toujours là demain. J'ai peur de te perdre Ireland. » Le voilà qui était à la limite de pleurer maintenant. Il se ressaisit de suite, ne voulant pas l'inquiéter, et fit passer son trouble par un trop plein de fumée. Il toussota légèrement, vrillant son regard dans celui de sa sœur. « Enfin bref, y'a pas mort d'hommes. »

Combien de garçons m’avaient fait attendre dans ma vie ? Oh j’avais arrêté de compter, je pouvais bien être en retard une fois non ? Ca faisait seulement la quatrième fois peut-être que je venais en retard à un rendez-vous mais tant pis ! Mon frangin n’était pas à cinq minutes près, à moins que ça soit super méga urgent et dans ce cas… j’allais me faire gronder. Mais j’étais arrivé, j’étais arrivé et mon frère était toujours là. Vu la tonne de cigarette qu’il y avait dans le cendrier je me doutais bien qu’il avait dû être impatient et je contribuais d’une manière à sa future mauvaise santé. Ca ne servait à rien de se voiler la face si mon frère finissait en bonne santé ça serait un miracle ! Fumer comme il le faisait était très mauvais. Mais je faisais pareil, malgré les avertissements qu’il m’avait lancés quand j’étais gamine et bien voilà, je faisais ce que j’avais toujours fait : Imiter mon modèle. Je fumais, mais sans doute beaucoup moins que lui.

J’attrapais du bout de mes lèvres la petite paille qu’il avait mit en prime dans mon verre. C’était sympa de mettre une paille j’avais l’impression de retourner dix ans en arrière quand je demandais à chaque serveur une paille jaune. Jaune et pas d’une autre couleur. Celle là était verte, soit ce n’était pas très grave. Sony me tendit sa montre, je relevais le regard vers lui avec un sourire, il n’allait pas me la donner quand même ? Elle était belle. Je fis un sourire à sa remarque avant de le relooker. Tu es parfait ! Je pris la montre que j’enfilais sans perdre de temps à mon poignet. Evidemment je dus la resserrer, elle était trop grande pour moi. Je relevais légèrement le poignet pour admirer la montre, voir comment elle m’allait et… elle m’allait bien. Sony ne perdit pas plus de temps pour prendre une énième cigarette et me tendre le paquet. Tu ne crois pas que tu as assez fumé ? Je poussais un soupir avant d’en prendre une à mon tour. Je lui pris son briquet et allumais ma cigarette avant de m’affaler au fond de la chaise. Je regardais mon frère, du moins j’admirais mon frère. Qu’est-ce qu’il pouvait être beau, j’avais de la chance et j’enviais toutes les filles qui ne pouvaient pas l’avoir. Il était à moi et rien qu’à moi. Il pouvait montrer des dents quand un garçon s’approchait de moi, je faisais pareil avec les filles. Mais bon, je savais pertinemment qu’un jour il allait devoir faire sa vie avec une fille et ça me sortait par les yeux ! Enfin bref, je tirais sur la clope avant de lever les yeux au ciel. Oh tu dois parler de Jullian ! Tout va très bien. L’appart est dans un gros bordel mais tout va très bien. Dire son prénom devait sans doute tuer mon frère. Ils ne pouvaient pas se voir, allez savoir pourquoi. Je tenais à mon meilleur ami comme la prunelle de mes yeux et puis on se connaissait depuis vingt et un ans, on ne pouvait pas ne pas s’entendre, impossible. Je continuais de boire tranquillement mon diabolo menthe avant d’hocher la tête aux paroles de mon frère. En effet, moi boire un verre d’eau ? C’était tout bonnement impossible. Enfin pas là alors que lui se prenait une limonade.

Je finissais ma clope assez rapidement, je fumais trop vite, on n’arrêtait pas de me le dire mais tant pis. J’avais prit l’habitude quand j’avais commencé à fumer c'est-à-dire à seize ans. Je ne prenais pas le temps d’apprécier le goût de la clope mais au diable du goût que ça avait. C’était moins bon que le chite alors. Je demandais quelques minutes après la raison de ma venue ici. Une simple envie de me voir m’aurait suffit comme réponse, mais apparemment, Sony avait d’autres préoccupations en tête. J’avalais difficilement ma salive et posais mon mégot dans le cendrier, le regardant très sérieusement. Il devait m’avouer quelque chose ? Il avait une petite amie, il allait devenir papa ? Il allait se marier ? Il était malade… oh non, la pire chose que je pouvais entendre. Je fronçais les sourcils, avant de me pencher légèrement en avant. Sony tu me fais peur là !
La phrase qui suivit me fit un pincement au cœur. Comment il pouvait penser qu’un jour je lui ferais la gueule ? Que je l’abandonnerais, que je lui tournerais le dos pour un oui ou un non ? J’haussais les sourcils avant de passer une main dans mes cheveux. Le jour où tu me perdras c’est que je me serais fait renverser par une bagnole, ou qu’une météorite est tombée du ciel ! J’avais des manières de dire les choses. J’aurais pu ne pas l’inquiéter, lui dire « Mais non voyons, jamais je te tournerais le dos, je suis ta petite sœur et je t’aime quoi qu’il arrive. » Mais non je répondais de manière un peu… brutale. Mais c’était ma manière de réagir aux « J’ai un truc super important à te dire, mais je ne sais pas comment » et il le savait très bien. J’espère bien que y’a pas morts d’hommes ! Sony… si c’est un truc du genre « je repars en Angleterre » et bien… dis moi que tu ne pars pas ? Mon frère était un repère dans cette ville, si je ne l’avais plus je n’avais plus de raison de rester ici. J’ouvris mon sac à main et prit mon paquet de clope. Et voilà, j’étais stressée à ce qu’il allait me dire maintenant.

Il n'avait pas pu s'empêcher de rougir quand elle lui avait affirmé qu'il était parfait. Selon Sony, Ireland l'idéalisait trop. Elle voulait le meilleur pour lui, et le considérait comme un modèle. Mais comment allait-elle réagir s'il lui annonçait qu'elle n'aurait peut-être pas de neveu plus tard, ou même qu'elle n'assisterai pas à son mariage s'il rencontrait un garçon ? Briser ses illusions seraient réellement handicapant pour Sony, qui ne voulait surtout pas qu'elle le voie différemment après une telle annonce. Mais vu comment elle commençait à s'affoler, il se devait de tout lui dire, et vite. Qu'importe les conséquences. La voir dans un tel état lui faisait mal. « Pour commencer, non je ne fume pas trop. Enfin pas trop trop quoi. » Il éclata de rire, voulant détendre l'atmosphère. Au passage, il interpella le serveur si mignon. « Excusez moi, vous pourriez ramener une paille jaune s'il vous plait ? Elle les a toujours préférée. » Sony se recentra sur Ireland, lui adressant un petit sourire tordu. « Jullian ? Ah, ce Jullian. Oui, je parlais de lui. »

Cela ne servant à rien de déblatérer sur son meilleur enemi, le jeune homme préféra porter son attention sur sa sœur. « Mais non n'ai pas peur, c'est pas si grave je t'ai dit. » Il leva les yeux au ciel. Dieu qu'elle s'inquiétait vite. Il se glaça sur place quand elle parla d'accident de voiture et de météorite. « Mais t'es folle de dire ça ! La fin du monde est dans à peine un an en plus ! » Private joke. « Et non, bien sur que non je ne repars pas en Angleterre. Sauf si tu veux y retourner, mais j'aime cette ville. » Sony remercia alors le serveur qui venait de revenir avec la paille, et la tendit à Ireland, une petite grimace sur le visage. « Si je te disais de choisir entre deux choses, par exemple la couleur de ta paille, tu choisirais la jaune d'office non ? » Il haussa les épaules. Son explication s'annonçait épique. « Bref. Moi aussi j'aurai dit comme toi avant. La jaune, sans hésiter ! Et puis le temps passe, et tu t'aperçois que tu commences aussi à vouloir la verte. Pas que la verte au détriment de la jaune, non, mais la verte aussi. La jaune ET la verte. » Sony commençait légèrement à bafouiller et à perdre ses moyens. « Le fait est que je suis dans cette situation. J'aime les deux. J'aime la paille jaune et la paille verte. »

Il soupira, posant ses yeux n'importe où sauf dans ceux de sa sœur. Il ne se rappelait même plus de couleur ils étaient tellement l'angoisse montait en lui. Sony lança d'un trait ce qui lui pesait sur le cœur depuis un bon bout de temps déjà. « Irelandjaimelesfillesetlesgarçons. » Il s'étouffa dans son verre avant de le poser précipitamment sur la table, confus et rouge de honte. « Excuse moi, ma langue a fourchée. Je disais que j'aime les filles ET les garçons Ireland. Et ce n'est pas une blague. »

Ainsi il ne fumait pas trop trop ? Il venait à peine de ce faire une dizaine de clope en m’attendant, sans compter ce qu’il avait dû fumer ce matin, il n’était pas loin des deux paquets par jour. Bon sang il savait que ce n’était pas bien, pour le coup il ne montrait vraiment pas l’exemple. Mais je ne lui dirais rien sur ça étant donné que je faisais pareil et je n’étais pas décidé à arrêter la cigarette maintenant. Ca fait parti de moi maintenant, c’est comme si j’arrêtais de voir mon frère du jour au lendemain, c’est impossible, et je n’en ai pas la volonté. Je secouais la tête de droite à gauche d’un air désespéré. Et dire que c’était mon frère. Alors que j’avais mon verre dans mes mains, je ne pus m’empêcher de faire les gros yeux à la demande du jeune brun au serveur. Bah… il perdait la tête ou quoi ? Je levais les yeux vers le serveur qui me regarda bizarrement avant de rentrer dans le bar. Je donnais un coup de pied à mon frère, pas très fort évidemment avant de déclarer : Je me serais contentée de la verte tu sais. Après tout je n’avais plus six ans c’était fini les caprices… enfin presque, il m’arrivait de faire de gros caprices de gamine, mais j’arrivais toujours à mes fins alors bon, comme quoi ça sert quand même.

Sony changea assez rapidement d’attitude en me disant qu’il devait me dire un truc, mais voilà je flippais déjà. Est-ce que c’était très grave ? C’était maman ? Il avait peur de me perdre d’accord, mais ça n’arrivera jamais. Même s’il pouvait m’annoncer la pire chose, qu’il allait mourir demain, qu’il partait à l’autre bout du monde je serais toujours là. Peut-être que je ne lui répétais pas assez ? Je ne lui avais peut-être pas dit assez « je t’aime », d’où cette inquiétude qui l’hantée. Mon dieu… j’étais une méchante petite sœur, voilà l’impression que je lui donnais. Je devais corriger cette erreur bien vite, mais les paroles de Sony me sortirent de mes pensées. Ne me dit pas que tu crois à ça quand même… 2012, ça signifiait quoi hein ? La fin du monde ? Conneries. Je n’y croyais pas et puis au pire si ça arrivait ça ferait quoi ? On ne s’en rendrait pas compte alors. Je secouais la tête, je ne comptais pas retourner à Londres. Pour des vacances why not ? Ca pouvait être sympa après tout, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu Big Ben et dieu sait combien Big Ben c’est toute ma vie. Un endroit banal pour tous Londonien, mais j’adorais passer devant. Le serveur revint avec la paille jaune. Je lui pris des mains et le remerciais d’un sourire. Je tournais de nouveau la tête vers mon frère et écoutais attentivement ce qu’il me disait. Si je devais choisir entre la paille jaune et verte ? Ben ouais, la jaune c’est clair. C’est clair, tu as un choix à faire et tu veux mon avis c’est ça ? Ra j’étais trop curieuse, je devais attendre qu’il m’expose ses pensées avant de poser des questions, on irait plus vite. J’allumais ma deuxième cigarette tout en écoutant mon ainé. Qu’est-ce qu’il disait là ? Il me parlait de paille… métaphore sans doute, mais je n’y comprenais rien. Je fis un sourire, enlevais la paille verte de mon verre et la fit glisser sur la table en direction de Sony. Si ce n’est que ça… prend là ! J’avais dis ça d’un ton ironique, parce que je sentais bien que le vrai sujet de discussion n’allait pas tarder à venir et je voulais sourire avant de me figer sur place telle une statuette. Il allait me faire une annonce de la plus haute importance ça se sentait, ça se voyait surtout. Sony avait toujours prit l’habitude de tourner autour du pot pendant des heures pour au final dire des choses pas très grave. Si ca se trouve ça serait pareil pour aujourd’hui, mais, j’attendis la suite. Il ne me regardait plus, je me pinçais la lèvre inférieure, plissant légèrement les sourcils. Je dus me pencher de nouveau vers lui pour comprendre ce qu’il venait de me balancer. Je n’avais absolument rien compris. J’ouvris la bouche pour répliquer, mais il reprit la parole avant. Mon cœur rata un battement. Je me mis en arrière, mon dos collé au dossier de la chaise. Je posais ma cigarette non finie dans le cendrier, avant de tourner la tête. J’étais entouré de mec bi ce n’était pas possible. Ca me faisait… tout bizarre. L’image des filles qui tripotaient mon frère me mettait hors de moi mais alors si en plus c’est un mec… ça changeait tout, absolument tout. Et… je ne serais pas tata alors ? Je relevais les yeux vers Sony. Je n’allais pas fuir pour ça, je n’avais rien contre les mecs homo et même bi. Et encore moins après mon frère, si c’était ce qu’il était et bien tant mieux, s’il était heureux comme ça et bien tant mieux. Je n’avais rien à dire. Je gardais le silence, je voulais lui dire tellement de choses, mais rien n’arrivait à sortir. Du moins pas ce que je pensais : J’aurais dû m’en douter, ce truc de mister London c’est pas un truc d’hétéro ça ! Je respirais profondément, avant d’afficher un sourire, un grand sourire. Je suis fière de toi Sony tu le sais. Et… avoir peur que je te laisse tomber pour ça. Je connais beaucoup de personnes qui sont bisexuelles, des amis… et maintenant de la famille. Je t’aime quand même. On serait au cinéma, il y aurait eu une musique de fond à faire chialer la salle entière. Ca ne faisait pas de lui quelqu’un de différent non. C’était Sony, le même depuis le début. Alors maintenant en plus de devoir me méfier des filles qui te courent après, je vais devoir me méfier des garçons… et dit moi ça veut dire que… je ne serais jamais tata ? Alors ça, ça me foutait un coup au moral. J’adorais les gosses, je m’étais déjà imaginé tenir les enfants de mon frère dans mes bras… il y avait bien l’adoption mais ce n’est pas pareil. Et puis si ça se trouve il allait être avec une fille quand même, qui sait, je ne devais pas me focaliser sur l’idée qu’il allait passer sa vie avec un homme. Non, il s’envoyait en l’air avec des hommes et pour le moment c’est tout, il n’y avait rien de… sérieux. Ah moins qu’il est déjà rencontré un homme et qu’il allait me le dire dans pas très longtemps.

Il avait balayé son « tu ne crois pas à ça » d'un geste agacé de la main. Bien sur qu'il n'y croyait pas, mais il essayait tant bien que mal de détendre l'atmosphère. Cette situation était certes de son fait, mais il aurait aimé que le temps s'accélère. Juste pour quelques minutes. Passer directement par la case « acceptation ». Il ne sourcilla qu'à peine quand Ireland lui tendit sa paille. Indirectement, elle lui conseillait les filles... Enfin, ça c'était ce qu'il s'imaginait. Et puis elle émit un sourire. Un sourire aussi chaleureux que d'habitude. « HEIN ? Mais que dalle, c'est des filles qui votent en majorité dans ce genre de concours !! Et à cet époque je sais même pas si je pensais à d'autres mecs... mais en tout cas j'ai gagné parce que j'étais beau, rien d'autre. Sans vouloir me vanter hein... » La remarque d'Ireland lui avait donné le sourire, c'était un point plutôt positif. Et le fait qu'elle lui dise qu'elle l'aimait malgré tout était quelque chose de précieux, quelque chose qu'il n'aurait échangé pour rien au monde. « Je t'aime aussi petite sœur. Merci d'accepter ça. »

La jalousie d'Ireland le faisait rire. « Mais non, y'a déjà pas beaucoup de filles qui me courent après, t'en fais pas. » Il haussa les épaules. « Pour ce qui est des mecs, personne n'est au courant, et je suis pas prêt d'être avec un garçon pour une relation sérieuse. Je vais te passer les détails... » Clairement, il ne sortirai avec un homme qu'en soirée, juste pour le fun. Penser plus loin lui faisait encore peur. L'avantage d'être bi lui donnait au moins la chance d'avoir deux fois plus de conquêtes, ce qui n'était pas négligeable. Au mot tata il s'arrêta de sourire. « Non mais rien n'est encore décidé. Dans tout les cas je me sens pas encore prêt pour avoir des enfants. Mais j'en aurai, sois-en certaine ! » Il ne savait pas avec qui il en aurait, mais il savait qu'il était fait pour cela. Suffisait de trouver la bonne... Avoir un enfant avec un homme n'était pas quelque chose de possible physiquement parlant, et l'adoption ne lui paraissait pas recommandable. Il voulait que ses enfants aient les yeux de sa sœur, de son père, et les siens. « Si tu ne tue pas ma copine avant, s'entend. » Sony éclata de rire. « Et j'arrêterai de fumer quand ma femme sera enceinte. Ça te va ? Ou alors j'arrête si tu arrêtes. » Comme si elle aurait accepté un tel pacte.

Sony caressa le dos de la main d'Ireland, plongeant ses yeux dans les siens. « Si ça peut te rassurer, je suis présentement célibataire et je n'ai encore rencontré aucun garçon. Du moins, je ne m'en souvient pas, ce qui veut dire que ça ne m'intéresse pas vraiment. Mais comme j'ai cette attirance, je préfèrerai t'en parler. Pour ne rien te cacher, et parce que ça me bouffe la vie, juste parce que je pensais que tu allais moins m'aimer. Je vais te faire encore plus confiance dès à présent. » Il posa ses yeux sur sa montre. « Faudra qu'on fasse les boutiques toi et moi un jour. Au moins pour une montre. On verra ce qu'on peut faire pour tes fringues. » Le jeune homme ria aux éclats avant de se reculer, lançant quelques pièces sur la table. « Tu veux qu'on aille faire un tour ? »

A la tête de Sony j’éclatais de rire. Je n’avais que quinze ans quand il avait fait ce concours, je ne me souvenais plus qui avait voté, enfin si moi, moi j’avais voté avec ma mère et mes copines avaient votés pour mon frère, même si elles avaient trouvés plus beaux, je les avais forcé à voter pour Sony. Môsieur Eldelwies était-il entrain de se vanter de sa beauté ? Il avait bien raison, c’était un canon depuis qu’il était jeune. Je revoyais les filles dans les couloirs de notre école, elles passaient leur temps à lui sourire bêtement comme s’il allait leur adresser ne serait-ce qu’un regard. Naïves. C’est ça ! Tu n’arrives quand même pas à la cheville de Johnny Depp ! Comparaison merdique on est d’accord. Personne n’arrive à la cheville de Johnny, acteur immense, valeur sûre du cinéma hollywoodien et incontestablement mister planète tellement il est sexy. Je regardais un instant mon verre, l’esprit ailleurs. Mon frère était bi, une nouvelle surprenante à laquelle je n’aurais jamais pensé mais ainsi soit-il c’était son choix il n’y pouvait pas grand-chose. Après tout, l’attirance pour une personne vient naturellement non ? S’il trouvait les garçons sexy… pourquoi pas. Ca changeait quoi ? Pas grand-chose au fond, enfin vivre avec un homme à notre époque c’est dix fois plus compliqué, mariage a moitié autorisé, l’adoption on en parle même pas. Quoi qu’il se passe, il avait mon soutien. Je fis un sourire haussant les épaules, mais je ne répondis pas. Accepter, je n’avais pas vraiment le choix et puis ça ne me faisait rien. Des bi, j’avais l’habitude d’en voir, d’en côtoyer alors un de plus ou un de moins. J’hochais par la suite un sourcil. Pas beaucoup de filles qui lui courraient après ? Ah oui ? J’aurais cru l’inverse. Je crois avoir compris… mais ça fait quoi ? Je veux dire… ce n’est pas un peu bizarre ? Ca ne me regardait pas, et encore une fois je faisais ma curieuse. J’avais déjà embrassé une fille, mais ça s’était arrêté là et je n’irais jamais plus loin. Son sourire disparut quand je lui parlais de l’idée d’être tata. J’avais peut-être vu trop loin ? Ses derniers me firent sourire. Je serais quand même tata. Sony n’avait que vingt cinq ans, il avait encore un peu le temps d’y penser et il venait d’ailleurs de le dire lui-même. Il y a tellement de chose à faire, profiter de la vie ce qu’il faisait déjà j’en étais certaine. Je le regardais, pointant mon doigt dans ma direction l’air de dire « Moi tuer ta copine ? » Mais non voyons, je la tuerais après la naissance de l’enfant, mais pas avant. Je le regardais, plissant légèrement les yeux comme si je venais de lui lancer un défi. C’était une sage décision mais qu’il ne tiendrait pas ! Tu dis ça parce que tu sais très bien que je n’arrêterais pas, donc une manière pour toi de te rassurer. Et puis tu en as pas envie, tout comme moi, alors… autant qu’on se bousille les poumons à deux ! Qu’est-ce que j’étais pipelette pour ne pas changer. A chaque fois que j’étais avec Sony je parlais, je parlais… et encore là on parlait de lui, mais si on commençait à parler de moi, c’était catastrophe. On ne m’arrêtait plus quand j’étais sur ma lancée, mais il vaut mieux quelqu’un qui a de la discussion non ? Sony me prit la main par la suite. Je relevais les yeux vers lui et hochant la tête comme une petite fille qui écoute les paroles de son papa. Sony avait été mon papa en plus d’être mon frère. Je ne dis rien, j’écoutais le son de sa voix uniquement le son de sa voix. Je sortis de mes pensées quand il parla shopping et quand il évoqua mes vêtements. Je fronçais les sourcils et regardais ce que je portais. Ils ont quoi mes vêtements ? Je suis plus à la mode que toi je te signale ! Je fis un petit sourire avant de me lever et de récupérer mes affaires. Allons marcher, mais avant je dois faire un tour aux toilettes. Sans plus attendre j’entrais dans le bar. Comment j’osais mentir à mon frère ? Je n’allais pas du tout aux toilettes, j’avais quelque chose à dire à quelqu’un. Je m’approchais du bar, regardant au passage la déco. Très british, j’adorais ses couleurs, bleu, blanc et rouge. Enfin bref, je cherchais le serveur, celui qui nous avait servit quelques secondes plus tôt. Alors qu’il revenait avec un plateau vide dans les mains, je lui attrapais le bras pour qu’il se retourne vers moi. Si mon frère revient ici veillez à ne pas le draguer d’accord ? Je lui fis un charmant sourire avant de tapoter son haut. Jolie chemise !

Je ressortis quelques minutes après pour retrouver Sony. Je passais mon bras autour du sien, je me sentais tellement petite à côté de lui. En fait ce n’était même pas une sensation, j’étais très petite face à lui. On commença à marcher dans les rues de Myrtle Beach, peut importe notre destination j’étais au bras de Sony, et j’en étais fière.